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de l'Histoire de La Seynoise
Marius AUTRAN
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du site de La Seynoise
Histoire de la philharmonique La Seynoise

Cent soixante-dix ans de passion musicale (1840-2010)

Histoire écrite en 1984 par Marius Autran
Nouvelle édition, réactualisée par Jean-Claude Autran (2010)

PRÉLIMINAIRES
(Texte intégral du chapitre)



Pourquoi une Histoire de « La Seynoise » ?

    Le présent ouvrage répond, pensons-nous, aux objectifs culturels de la ville de La Seyne-sur-Mer et au désir qui habite bon nombre de Seynois de mieux connaître leur histoire locale.

    En retraçant l'histoire de La Seynoise, nous avons voulu aussi rendre hommage à une association - sans doute la plus ancienne de notre localité - qui a joué un rôle éminent dans le domaine de la culture artistique au point que son rayonnement a dépassé et dépasse encore le cadre strict de notre commune, voire de notre département.

    Mais en alimentant l'histoire locale, nous avons pu ranimer des souvenirs non dénués d'intérêt, faire revivre l'œuvre de nombreuses personnalités locales et montrer combien a été difficile, d'exercer l'Art musical en des temps où l'instruction générale n'était pas répandue et où le souci de dispenser la culture artistique aux masses laborieuses était à cent lieues des pouvoirs publics.

    N'oublions pas qu'au milieu du XIXe siècle, encore QUARANTE POUR CENT de la population était illettrée et rappelons-nous que l'enseignement du chant dans les écoles ne fut vraiment généralisé que par l'application des lois laïques en particulier celle de 1882 qui fixait les programmes.


Une histoire exemplaire

    Ceux qui ont fondé La Seynoise, travaillé à son développement, formé des nouvelles générations de musiciens, ceux qui ont défendu leur association en toutes circonstances, ces Seynois ont droit à la reconnaissance de nos concitoyens, d'autant que leur action n'était inspirée que par l'altruisme et la philanthropie.

    Certes, c'était leur passion qui les poussait ainsi à s'engager dans la vie associative, mais ils savaient que d'autres viendraient partager leur joie et leurs émotions. Et cette certitude les encourageait à persévérer avec le souci constant d'améliorer et de perfectionner leur œuvre. Elle les incitait aussi à surmonter leurs découragements dans les moments difficiles que traverse une association quand les avanies et les incertitudes lui pèsent sur les épaules.

    On a vu naître à La Seyne des clubs, des associations sportives, artistiques, des sociétés de secours mutuel, etc. Certains de nos anciens se souviennent peut-être encore avec émotion de L'Artistique qui se réunissait au Café de l'Univers... Ou bien des Noctambules, de la Maison du Peuple, appelée aussi Petit Casino, du Club des Mandolines et Banjos, de L'Olympique Seynois, de la Fanfare Garibaldienne, de L'Avenir Seynois, de L'Aurore, etc... La liste pourrait être fort longue.

    Certaines de ces associations ont joué un rôle indéniable pendant plusieurs décennies. Et puis, des événements divers, ou une nouvelle législation, ou encore l'émergence de mentalités nouvelles, ont contribué à leur disparition et il n'en est resté que peu de traces : rares étaient en effet les dirigeants qui tenaient scrupuleusement à jour leurs archives.

    La Seynoise, elle, est toujours là. Aussi était-il bon, à notre sens, d'exprimer les raisons de sa pérennité et de sa vitalité dans une ville où la population est depuis longtemps en constante mutation, tant dans sa composition que dans son esprit.

    Car la vie associative est forcément influencée par les facteurs les plus divers. Des événements inattendus que les hommes ne savent prévoir et encore moins maîtriser sont causes de fluctuations dans le fonctionnement des associations.

    C'est ainsi que La Seynoise qui naquit sous le règne de Louis-Philippe connut des gouvernements différents : la Monarchie, plusieurs Républiques, un Empire et l'État Français de Pétain. Elle exista donc sous des régimes démocratiques comme sous le joug de dictatures. Les uns favorisèrent plus ou moins son développement, les autres, plus soupçonneux, craignant des activités contraires à leurs idées anti-populaires, n'hésitèrent pas à l'interdire. La Seynoise eut même maille à partir avec la dictature locale d'une Municipalité, mais il en sera longuement question dans cet ouvrage.

    Bien sûr, pendant la période dramatique des épidémies, comme durant les années noires des guerres de 1870, 1914-1918, et 1939-1945, les activités de l'association furent mises en sommeil.

    Hélas ! en plus de ces calamités, notre Seynoise dut également affronter des dissensions et des conflits internes qui s'envenimèrent parfois malgré la neutralité politique et religieuse à laquelle étaient tenus ses membres.

    Néanmoins l'association a recherché constamment à vivre en bonne intelligence avec les Municipalités, qui, successivement, eurent à charge de gérer notre cité. De même, elle s'attacha à entretenir les meilleures relations avec les autres associations de la commune.

    Mais, dans la gestion des associations, il faut toujours compter avec le sectarisme des uns, la jalousie et l'ambition des autres, et les dirigeants de La Seynoise ne parvinrent pas toujours, malgré les bonnes intentions qui les animaient, à éloigner les éléments perturbateurs.

    Il nous arrivera, au fil de notre récit, d'employer l'expression de Grand Président. Pourquoi ce qualificatif élogieux ?

    Parce qu'il s'agit de personnalités marquantes par l'autorité bienveillante qu'elles ont exercée, par la confiance qu'elles inspiraient, par la durée du mandat qui leur fut accordé et par leur talent à régler les problèmes épineux, à éviter les écueils. Leur enthousiasme et leur foi inébranlable furent ces qualités essentielles qui, impulsées dans la conduite de La Seynoise, lui permirent d'atteindre des succès prestigieux.

    Toutefois, il serait bien injuste d'oublier ceux qui, dans des périodes difficiles où le désastre fut évité de justesse, acceptèrent des responsabilités alors qu'ils ne recherchaient aucun prestige personnel. Malgré leur âge ou leur état de santé déficient, ils ne reculèrent pas devant l'ingratitude de tâches parmi les plus ardues. Ils voulaient à tout prix relever le flambeau de leur chère association et perpétuer la culture artistique, ce dont ils avaient fait leur idéal. La seule idée que La Seynoise soit menacée de disparition leur était insupportable et galvanisait leur énergie.

    Ces braves gens, dévoués jusqu'à la limite de leurs forces, méritent eux aussi notre estime et une place dans notre souvenir.

    Comme on pourra le lire dans les lignes qui suivent, La Seynoise a connu des périodes de flottement, d'hésitations, alternant avec des heures de gloire. Le mot n'est pas excessif et nous le démontrerons.

    Il est vrai que l'association a failli plusieurs fois disparaître, mais aux heures les plus périlleuses, elle a toujours trouvé au sein de la belle famille de ses sociétaires, des hommes capables d'assurer la continuité de l'œuvre entamée. On est alors tenté de lui attribuer à elle aussi la devise de la Ville de Paris : Fluctuat nec mergitur.


Des administrateurs remarquables

    S'il nous a été possible de conter la longue histoire de La Seynoise, c'est grâce à la bonne tenue des archives administratives conservées au siège de l'association, rue Gounod.

    La période la plus difficile à explorer a été celle des premières décennies où les Présidents eux-mêmes changèrent souvent. Il en fut de même des Chefs de musique et l'association ne connut qu'une stabilité précaire pendant près de quarante ans.

    Les textes d'archives se rapportant à cette période sont donc rares. Ce que nous pouvons savoir a été consigné dans un document rédigé en 1952 par le Président d'alors, Monsieur Marius Guinchard. Il avait tenu à perpétuer le souvenir de sa chère société, au sein de laquelle il avait occupé les fonctions les plus diverses. Il nous a légué un historique de quelque trente pages manuscrites.

    Ce modeste ouvrage méritait d'être repris et complété, cette démarche valait d'être diffusée et élargie de manière à instruire en premier lieu les exécutants, les adhérents ou les membres actifs, honoraires ou bienfaiteurs, du passé prestigieux de leur association. Mais, au-delà, il convenait d'informer la population seynoise tout entière, dont nous sentons avec une satisfaction croissante le désir d'un retour aux sources dans un monde agité, décevant, parfois dangereux, parce que de plus en plus indifférent aux valeurs morales.

    La période de notre histoire qui s'étend de 1875 à nos jours nous est parfaitement connue. La correspondance, les comptes-rendus de réunions, les rapports d'activité, les articles de presse, les discours officiels, nous ont permis de reconstituer de façon précise la vie de La Seynoise pendant toute cette période.

    Il convient ici de féliciter les dirigeants, les secrétaires, les archivistes qui ont eu la charge de conserver le patrimoine de l'association : mobilier, insignes, distinctions honorifiques, étendards, répertoires, portraits, textes, instruments, etc.

    C'est parfois au prix de véritables prouesses, nous le verrons notamment pendant les périodes de guerre, de répression et d'occupation de notre territoire, malgré les évacuations, les destructions et les pillages, qu'ils purent sauver les biens de La Seynoise dont certains documents ont pris, avec le temps qui passe, une inestimable valeur.


De la musique avant toute chose

    On peut se demander pourquoi une telle association à caractère artistique est née à La Seyne avant beaucoup d'autres.

    Pourquoi, en outre, est-elle née en 1840 ?

    Quelles circonstances ont favorisé son éclosion ?

    Pourquoi cette pérennité alors que beaucoup d'autres structures similaires ont eu une existence éphémère et sont tombées dans l'oubli ?

    Enfin, nous pouvons nous interroger sur l'avenir de La Seynoise et sur la façon dont ses dirigeants l'envisagent.

    Ces questions, tous les Seynois et les Seynoises soucieux de la sauvegarde de leur patrimoine culturel peuvent se les poser.

    Il est certain que les origines de la Musique se confondent avec celles de l'Homme.

    Déjà, à l'âge des cavernes, l'homme pratiquait des formes d'art primitif. Besoins du cœur, besoins de l'imagination, pratiques cultuelles, nos ancêtres préhistoriques gravèrent dans la roche des parois de leur abri des silhouettes d'animaux, de végétaux ou d'objets usuels.

    L'Art musical accompagna l'Art pictural. Art primitif, certes, dont l'élément de base fut le rythme et qui devait lentement évoluer au fil des siècles.

    De tous temps l'Homme, même à l'état primitif, considéra la Musique comme un art merveilleux qui lui procurait des joies simples, des émotions sans cesse renouvelées, des motifs d'étonnement ainsi que le désir d'apprendre davantage. Les acquis de l'ethnologie et de l'anthropologie, suite à des missions d'études sur des peuplades primitives sont, à ce titre, très instructifs.

    Il semble que l'Homme ait toujours été plus profondément sensible à la Musique qu'aux autres formes d'expression, sans que l'on puisse expliquer de façon précise les rapports de cause à effet que provoque l'émotion musicale.

    Le célèbre esthéticien Charles Lalo (1), analysant les sept fonctions psychomotrices de la Musique, emploie cette expression : « émotion indéfinissable dont le moteur est inconnu ».

    Rapidement, dans l'Histoire de la Musique, apparaissent des instruments de musique sommaires, conçus pour accompagner le chant auquel les premiers hommes prêtaient un pouvoir magique sous la forme d'incantations destinées à influencer les animaux et les éléments de la nature, à lutter contre les maladies, à assouvir la colère ou la vengeance mais aussi à exprimer les meilleurs sentiments du cœur.

(1) Lalo (Charles) 1877-1953. Esthéticien français qui voulut étendre à l'art une méthode d'explication sociologique.


La pratique de la musique à l'origine de l'amitié entre les gens

    Il faudra beaucoup de temps pour que se vulgarisent les œuvres des grands maîtres qui ont marqué la longue histoire de l'Art musical. Mais le désir de connaissance qu'exprime le peuple s'imposera auprès des gouvernants qui permettront la constitution de groupements à des fins culturelles. Ce sera alors la prolifération des philharmoniques, des orphéons, des chorales et des fanfares. Dans les grandes villes, les quartiers s'animeront aux accents de leur clique ou de leur propre orchestre. Toulon, par exemple, aura des formations musicales au Pont du Las, aux Routes, au Mourillon, etc. Dans tous les villages de France ou presque, naîtront de petites musiques dont la principale activité sera de jouer La Marseillaise lors des cérémonies officielles et d'animer les bals au moment des fêtes locales.

    De surcroît, comme nous le verrons plus loin, ces activités seront l'occasion de nouer des relations entre des villes plus ou moins voisines. Pour notre département, La Seynoise sera en contact avec les formations de Six-Fours, La Garde, Ollioules, Toulon, Saint-Jean-du-Var, Sanary, Bandol, Bormes, La Crau, Carqueiranne, Hyères, Le Beausset, Saint-Cyr, Lorgues, Brignoles, Saint-Raphaël, Vidauban, etc... contacts qui, nous le verrons aussi, passeront parfois les frontières de notre département.

    Ces relations, ces échanges, ces rencontres ont permis à nos populations varoises de se mieux connaître. Des sentiments amicaux et même fraternels se sont alors développés. Ainsi, à l'occasion de concours internationaux ou simplement nationaux, des milliers de musiciens amateurs, venus de tous les coins de France ont pu se rencontrer. Ils ont fraternisé et contribué dans les immenses défilés, au renforcement de l'unité nationale.

    En lisant les comptes-rendus des excursions, des festivals, des concours, des inaugurations et de toutes ces manifestations qui ont fait accourir les foules pendant plus d'un siècle et demi, le lecteur découvrira le rôle éminent de La Seynoise dans la propagation de l'Art musical et pour le plaisir populaire.


Demain, « La Seynoise »

    Enfin, il convenait de rendre hommage aux édiles qui ont fait preuve d'une grande compréhension des problèmes culturels dans notre ville et qui ont soutenu La Seynoise lorsqu'elle eut à affronter des difficultés nouvelles.

    La Seynoise est une association à qui il appartient de réfléchir sur son présent et son avenir, un corps vivant qui doit périodiquement renouveler sa substance. En effet, la Musique, tout comme les Sciences, est appelée, à des transformations dans le style et les techniques. Le répertoire actuel de La Seynoise, particulièrement varié, permet d’atteindre tous les publics : de la musique classique à la variété populaire, en passant par les compositeurs contemporains et les musiques de films. Mais sans doute y aura-t-il dans le futur des adaptations à faire pour que La Seynoise demeure partie intégrante et même acteur essentiel du monde artistique et musical seynois.

    Les Municipalités des années 1960 avaient ainsi créé une École Municipale de Musique, intégrée à l'Office Municipal de la Culture et des Arts, (O.M.C.A.), avec un large éventail de disciplines enseignées, de manière à donner une formation sérieuse aux jeunes musiciens et artistes et leur permettre d’assurer la relève des anciens, notamment de La Seynoise. En 2003, une nouvelle mutation a lieu avec la création par la Communauté d’agglomération Toulon - Provence - Méditerranée (TPM) d’un Conservatoire National de Région (CNR) - qui devient Conservatoire National à Rayonnement Régional (CNRR) en 2009 - vaste structure dans laquelle a dû se fondre notre précédente École Municipale de Musique.

    Défendue et protégée par de très nombreux amis mélomanes, La Seynoise, malgré son grand âge, fait toujours figure d'organisation d'avant-garde.

    Dans le contexte de 2010, on souhaite avant tout qu’une discussion plus étroite s’instaure entre les différents partenaires, non seulement à propos des formes nouvelles d'art qui sans cesse prennent naissance, mais également sur la manière d’assurer au mieux la relève des anciens des harmonies locales.

    Que vive notre Seynoise !

    Honneur à tous ceux qui l'ont portée au faîte de sa gloire et dont nous allons évoquer la mémoire.

    Et que vive la Musique, langage universel qui se propose de répandre parmi le peuple, le goût du beau. Que tous les gens de cœur unissent leurs efforts pour lui permettre d'accomplir sa mission civilisatrice.


Marius AUTRAN (juin 1984)
et                   
Jean-Claude AUTRAN (octobre 2010)



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