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de l'Histoire de La Seynoise
Marius AUTRAN
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Histoire de la philharmonique La Seynoise

Cent soixante-dix ans de passion musicale (1840-2010)
CHAPITRE IX
L'espérance, avec Alex Peiré
(Texte intégral du chapitre)
 
 

     Le Président en exercice n'étant plus à même d'assumer sa lourde tâche, il fallut pourvoir à son remplacement et les musiciens, soucieux comme toujours de la bonne marche de l'association, se mirent en quête d'une personnalité locale honorablement connue de la population, très au fait des problèmes culturels et artistiques, capable de diriger à son tour La Seynoise.

    Après un rapide tour d'horizon, leur choix s'arrêta sur Alex Peiré, ingénieur géomètre expert, Adjoint au Maire depuis la Libération et animateur de nombreuses associations locales.

    Si, pendant quelques années, des brouilles avaient surgi entre La Seynoise et la Municipalité, l'état d'esprit avait évolué heureusement vers la conciliation. Les positions sectaires avaient fait place à la compréhension mutuelle nécessaire. L'évidence avait été admise selon laquelle la Municipalité seule avait les moyens de redresser la situation compromise de La Seynoise. C'est pourquoi l'Assemblée générale des membres de l'Association n'hésita pas à choisir pour la présider, un Adjoint au Maire en exercice.

 Alex Peiré

Alex Peiré, Président de La Seynoise de 1968 à 1974

    Né à La Seyne en 1901, Alex Peiré, jeune écolier, manifesta très tôt une inclination particulière pour les mathématiques et le dessin, dessin industriel en particulier, ce qui le conduisit à devenir, arrivé à l'âge adulte, ingénieur géomètre.

    Administrateur de la commune pendant trente ans, il fut particulièrement désigné pour suivre les problèmes de la voirie, des logements et des constructions diverses. Son nom reste attaché à l'histoire de l'émissaire commun, vaste rivière souterraine dont il fut le concepteur et qui draine au large les égouts qui, auparavant, transformaient notre rade en cloaque, à la rénovation du cadastre et à la résolution des grands problèmes urbanistiques de notre ville.

    De par sa profession et ses goûts pour les questions artistiques et culturelles, il devint une personnalité très populaire parmi nos concitoyens qui le tenaient en haute estime. Nous qui avons eu le plaisir d'œuvrer à ses côtés, nous pouvons dire qu'il avait de grandes qualités d'homme et de citoyen : probité, serviabilité, droiture et pouvait se prévaloir, en dehors de ses qualités professionnelles de plusieurs cordes à son arc, ainsi que l'on dit familièrement.

    De toute évidence, une telle personnalité avait sa place à la tête de La Seynoise. Avec un tel dirigeant, les musiciens savaient que leur société serait ardemment défendue et conduite vers des succès indubitables.

 

Une nouvelle équipe dirigeante pour redresser la situation

    C'est par une Assemblée générale en date du 9 février 1968 qu'Alex Peiré fut élu Président et dans le Bureau, remanié à cette occasion, se fit un heureux amalgame entre des anciens et des jeunes. L'intégration d'éléments nouveaux, reconnus pour leur dynamisme, ne manquerait pas de créer une ambiance porteuse d'espérances.

Comment se composait ce nouveau Conseil d'Administration ?

Président : Alex PEIRÉ
Vice-Présidents : Arsène DALLEST et Félix TINTERRI
Chef de Musique : Jean ARÈSE
Secrétaire général : Désiré GILARDI
Adjoint : Roger GARBOLINO
Trésorier général : Jean SICARD
Adjoint : Anatole VIAL
Archiviste : René GARBOLINO
Conservateur : René BOLLANY
Commissaires : Fernand DINI et Lucien FASCETTI
Porte-drapeau : Ernest VERRECHIA

    Le nouveau Président se mit à l'ouvrage sans plus tarder. La semaine suivante, en effet, une importante assemblée d'information était convoquée dans la salle Marius Édouard AillaudAlex Peiré lança un vibrant appel à toutes les bonnes volontés pour réorganiser et renforcer la société.

    Extrayons quelques passages de son allocution :

« ... Nous avons tenu à vous rencontrer afin de vous présenter notre nouveau Bureau et vous informer de nos intentions et de nos projets. Comme vous le savez, La Seynoise est une vielle dame qui pendant des années a récolté de nombreux et flatteurs succès dans le domaine de la Musique sur le plan local, régional et même national.

... Les médailles qui ornent la hampe de son drapeau glorieux et les nombreux diplômes qui décorent les murs de cette salle confirment ce que nous avançons ».

    Alex Peiré retraça alors un bref historique de la société âgée maintenant de cent vingt-huit années. Associant le nom de tous les Présidents disparus, rappelant le rôle de centaines de musiciens qui avaient joué à la rue des Aires, à l'avenue Gambetta, au Cercle des Travailleurs et sur le kiosque de la Place Ledru-Rollin, musiciens que des foules avaient acclamés à La Seyne, à Toulon et dans la plupart des villes et villages varois, Alex Peiré poursuivait :

« Ces phalanges d'artistes, de vrais artistes dévoués à l'extrême, passionnément convaincus de leur rôle bienfaiteur, ont été décimées dans le temps par les ans, la maladie et la mort. Il nous reste aujourd'hui un groupe de fidèles ; quelques éléments d'âge moyen qui n'ont pas voulu quitter le pupitre et que nous trouvons rassemblés autour de nous, ce soir.

... Grâce leur soit rendue. Ils ont bien mérité de La Seyne et de la Musique. Toutefois cette phalange réduite à dix, douze ou quinze musiciens au maximum, risque de se laisser aller au découragement, voire à l'abandon.

... Nous ne voulons pas de cela ; nous ne voulons pas que notre Seynoise disparaisse ».

    Faisant alors vibrer la corde sensible de l'amour du terroir, il s'écria :

« ... Nous, Seynois, depuis de nombreuses générations, nous ne voulons plus que lors des manifestations au Monument aux Morts, on fasse appel à un électrophone doublé d'un haut-parleur nasillard pour jouer notre hymne national.

... Nous sommes, avec nos cinquante mille habitants, la deuxième ville du Département. Cette ville doit avoir sa Musique.

... Certes, nous connaissons les difficultés qui nous attendent. Nous savons qu'il faut compter avec l'indifférence des uns, l'hostilité des autres... Qu'importe ! Nous avons à cœur de réussir... Nous réussirons...

... Les membres du nouveau Bureau, tenaces, décidés, forment un bloc solide. Nous avons un Chef de Musique, notre ami Arèse, compétent et dévoué et de plus, estimé de tous les musiciens des phalanges de la Région.

... Nous avons une salle splendide pour les répétitions et les petits concerts, l'appui total de nos amis du Conseil municipal et de notre Député-Maire Toussaint Merle.

Nous sommes assurés du soutien total de la presse locale et régionale et bientôt, nous seront prodigués les encouragements de toute une population heureuse d'assister à la Renaissance de sa Musique.

... Enfin, nous sommes certains que tous les musiciens de La Seyne et des environs, oubliant leurs vieilles querelles de prestige et de drapeaux se feront une joie et un devoir de venir se grouper autour de nous pour faire de la musique ».

    Dans sa conclusion, Alex Peiré annonça une action imminente en vue d'un recensement complet de tous les musiciens exécutants dans toutes les disciplines : instruments à vent, à cordes, à percussions. Les participants à cette réunion se séparèrent convaincus de la nécessité de réagir et d'apporter leur contribution d'efforts pour assurer le relèvement de la Société. Mais leur grande espérance, c'était l'École Municipale qui ne tarderait pas à orienter vers La Seynoise des talents nouveaux.

    Et le temps passa.


Jean Arèse dirigeant le concert de la Sainte-Cécile de 1970 dans la salle des fêtes de l’hôtel de ville

    Enfin on vit pour le concert le la Sainte-Cécile de 1969, une dizaine de jeunes gens aux côtés des anciens. L'année suivante, ce fut beaucoup mieux. Nous lisons dans le magnifique programme du concert de 1971, le nom d'une pléiade d'élèves de l'École municipale de musique qui charmèrent l'auditoire. Qu'on en juge : Avec Pinson et Fauvette, polka pour deux pistons, se produisirent Jacques Arnaud et Dominique Damilano. Dans les quatuors de clarinette (deux bourrées de J.-S. Bach), nous avons eu la joie d'écouter MM. Drouilleau, Fiol, Alcaïdé et Baroni, tous élèves de l'École municipale. Dans l'ouverture des Cloches de Corneville, un soliste se distingua au hautbois, Michel Benet dont le talent lui a permis une carrière brillante dans l'Art musical. Nous y reviendrons avec la partie consacrée aux anciens élèves dont certains ont connu la célébrité.

    À la fin de cette année 1971, le 12 décembre, exactement, La Seynoise se réunit en son siège de la rue Gounod pour fêter un succès prestigieux de son Président. En effet, le 25 novembre, Alex Peiré avait été officiellement reçu comme membre actif de l'Académie du Var.

    Les membres de la Philharmonique pouvaient être fiers de leur Président. Désiré Gilardi, en qualité de Secrétaire général, exprima au nom de tous ses camarades, ses plus chaleureuses félicitations. C'est avec une certaine émotion que répondit Alex Peiré, non sans rendre hommage au passé glorieux de l'association, fruit du travail de ceux qui le précédèrent au poste de Président. Il n'oublia pas non plus de saluer l'Art musical qui était sa passion et grâce auquel il avait accédé à cette distinction bien méritée selon nous.

    Et dans la rue Gounod, la salle Marius Édouard Aillaud retentit une fois encore d'applaudissements, de vivats et de chansons.

    En 1972, on sentit bien que le redressement s'opérait. Parmi les multiples activités proposées, la plus remarquée fut le concert organisé à l'occasion du XXVe anniversaire de la gestion municipale inaugurée par Toussaint Merle en 1947. Le Président Peiré obtint l'accord unanime de la Philharmonique pour participer à ces manifestations. Quelques années auparavant, le concours de La Seynoise à de telles réjouissances aurait été problématique.

    D'autant qu'un événement s'était produit quelques années auparavant qui dut marquer les musiciens et les mélomanes qui ne manquaient pas un concert donné dans nos murs.

 

Disparition du kiosque à musique

    Depuis 1965, des travaux importants de voirie avaient complètement bouleversé la place Ledru-Rollin du fait de l'aménagement de la sortie Nord de la ville.

    La croissance de notre commune commandait des initiatives qui, si elles ne furent pas toujours sans causer des dommages dans l'aspect traditionnel de notre cité, s'avèrent avec le recul, des initiatives indispensables.

    En 1966, le kiosque à musique fut condamné à la démolition, opération qui eut lieu dans les premiers jours du mois de cette année 1966.

    Certains esprits malveillants - les mêmes qui ne pourront jamais admettre que La Seyne soit gérée par des hommes de progrès avec le soutien de la population, les mêmes qui considèrent que seuls les nantis ont comme le droit divin de décider du destin des peuples - orchestrèrent une campagne sournoise. On entendit ainsi dire que la Municipalité, en démolissant le kiosque, réglait d'anciens comptes avec La Seynoise qui ne donnait presque plus de concerts. De beaux esprits paraphrasèrent ce vers du chant révolutionnaire qu'est L'Internationale et prétendirent que la Mairie avait fait sienne la devise : du passé faisons table rase...

    Ceux-là même qui versaient des larmes sur le kiosque, auraient été les premiers à attaquer les Élus s'ils n'avaient pas prévu, comme c'était leur devoir, des solutions pour faire face à l'essor inattendu de l'automobile particulière.

    Il est vrai que ceux de nos concitoyens qui pratiquent le culte des choses du passé évoquent avec nostalgie cet édifice sous la voûte duquel retentirent pendant plus de soixante ans les accents les plus émouvants des partitions de nos grands maîtres de la Musique. Ils se demandent si ce lieu privilégié méritait de disparaître tout à fait. Ils aiment à imaginer leur kiosque reconstruit dans un endroit idéal, un îlot de verdure, par exemple et dans leur rêverie apparaît au pupitre de chef la silhouette de Marius Silvy, de César Castel, de François Taliani ou de Félix Sauvaire. Ce à quoi les plus réalistes rétorquent :

« ... Mais mon pauvre rappelle-toi ! Il était devenu trop petit, ce kiosque ! Et puis comment voulez-vous entendre un concert avec ce tintamarre des routes qui nous poursuit partout ? Déjà que du temps du kiosque, il fallait faire taire les bavards... ».

    Et un troisième de surenchérir :

« ... Vous vous rendez compte ce que ça représente, comme somme, de faire démolir un machin comme ça et de le faire reconstruire ailleurs ? Ils ont fait la Salle des Fêtes, pour les concerts, bè qu'est-ce que vous voulez ? Dans la vie, faut faire des choix ».

    Nous sommes les premiers à regretter le calme des concerts de printemps, quand la musique, s'envolant, résonnait contre les vieilles façades déjà gorgées des premiers rayons de soleil. Nous l'aurions aimé, notre Quinconce, bien à l'abri dans le bruissement continu d'une pinède, avec le murmure de jeux d'enfants se mêlant aux accents de nos musiciens. Mais ce sont toujours des considérations financières qui commandent et si on regrette la démolition du kiosque, on peut aussi déplorer le peu de crédits alloués par l'État pour sauvegarder le patrimoine culturel des communes. Un État qui préfère construire des engins de mort...

    Mais revenons à cette année 1972.

 

Une nouvelle orientation avec l'École Municipale de Musique

    Dans le programme des festivités prévues pour commémorer le vingt-cinquième anniversaire de l'élection de Toussaint Merle, un concert fut donné le 14 mai et laissa un souvenir des plus importants. Une révélation, ce concert, par sa richesse et sa diversité.

    Composé de sept parties, avec des morceaux classiques, comme La Marche du Sacre de Napoléon Ier, de Lesueur, L'Ouverture de Mireille de Gounod, des morceaux de création plus récente, comme Le Bal de Béatrice d'Este, de Reynaldo Hahn et La Marche Nuptiale de Parès, le concert fut étoffé, à la grande joie des auditeurs par trois quatuors exécutés par les Professeurs de l'École Municipale de Musique (Quatuors de J.-S. Bach, de J. Français et L. Boccherini, pour flûte, hautbois, clarinette et basson). MM. Arèse, Destremau, Clément et Rives furent chaleureusement applaudis.

    Et puis ce fut le premier mouvement du Concerto de Haydn pour trompette et orchestre où le soliste, Jacques Arnaud, professeur à l'École de musique, suscita un grand enthousiasme. Enfin, sous la direction de M. Destremau, l'auditoire émerveillé entendit la Chorale de l'École de Musique qui donna successivement les morceaux suivants : Ronde d'enfants, chant français, Kiu-kiu, chant populaire roumain, Berceuse de Brahms, Hymne au soleil de J.-Ph. Rameau.

    Ce concert exceptionnel s'acheva sous les applaudissements nourris, expression d'un ravissement général.

    Il semble bien, à partir de là, que le style de notre Philharmonique s'oriente vers des formes nouvelles et cela grâce au travail de recherche de Jean Arèse, dévoué Chef de Musique dont le souci constant est de lutter contre la routine et la monotonie. Si nous y regardons de près les concerts qui furent donnés depuis cette date, on remarque les points suivants : les morceaux classiques du riche répertoire de La Seynoise sont toujours joués et les mélomanes entendent toujours avec le même plaisir l'Arlésienne, La Mascotte, Faust, Mireille, etc.

    Dans les programmes figurent également des partitions empruntées à des compositeurs étrangers, comme James Cower, Khatchaturian, Garland, Sibelius, Moussorgsky, Harry Willians, etc. pour ne citer que quelques exemples.

    Les compositeurs contemporains ne sont pas oubliés non plus (Purcell, F. Lopez, G. Bécaud, Ch. Trenet,...), ni les compositeurs locaux, musiciens à La Seynoise, aux Équipages de la Flotte ou professeurs de l'École municipale de Musique. Citons André Guigou, Pierre Destremau ou Jacques Raon.


Audition des élèves de l’École Municipale de Musique (1970)

    L'apport des instruments à cordes, qui se sont ajoutés aux instruments à vent, traditionnels dans les philharmoniques, a permis d'élargir le répertoire. Ainsi nous fut-il permis d'entendre des œuvres auxquelles nos musiciens ne s'attaquaient pas autrefois, faute d'instruments pour les rendre avec le meilleur effet.

    Enfin, c'est un réel plaisir pour les Seynois d'entendre de jeunes virtuoses locaux dans des soli, des trios, des quatuors ou des quintettes.

    Tout cela est à mettre à l'actif de Jean Arèse, Chef de Musique et Directeur de l'École municipale de Musique, mais aussi de tous les Professeurs qui, depuis maintenant quelque dix ans, apportent avec dévouement leur concours par leur enseignement et leur participation aux concerts.

    Nous avons lieu d'être fiers de la pépinière de jeunes talents qu'est l'École municipale d'où sont sortis les Drouilleau, Fiol, Alcaïdé, Baroni, Bénet, Bruno, Barbero, Pantin, S. Féral, Lopez, Marrec, O. Féral, Murielle Feulvarc'h, David,...

    On se souvient des propos du Président Peiré, dans son allocution du 16 février 1968. Il avait vu juste en estimant que les conditions de la renaissance musicale à La Seyne existaient. Mais l'artisan de cette renaissance, nous ne le dirons jamais assez, c'est bien Jean Arèse dont la foi et le dynamisme, dignes du fondateur, Marius Gaudemard, autorisent depuis quelques années les plus grands espoirs.

    La Seynoise s'était donc revivifiée et ses concerts, s'ils n'étaient pas plus nombreux, se voyaient renforcés de jeunes talents. Les initiatives se mu1tiplièrent alors pour satisfaire le goût des mélomanes et c'est surtout vers la jeunesse de l'École de Musique et son orchestre symphonique que les regards se tournaient. Le Président Peiré rayonnait lorsqu'il l'entendait se produire.

    Poussant plus loin son désir de répandre les joies de la musique, il poussait nos écoliers à participer à des animations dans le centre ville ou dans les Foyers d'anciens.

    Et voilà qu'à nouveau, on entendait de la musique dans nos vieilles rues, comme du temps où l'on fêtait l'anniversaire d'un président, comme du temps où chanteurs ambulants et marchands de rengaines s'égosillaient dans les vacarmes de nos artères marchandes.

    Vraiment, la Musique renaissait à La Seyne et si les plus anciens ne sortaient guère de leur salle de répétition, les jeunes allaient aux quatre coins de la commune pour répandre l'Art musical et, parfois même, au-delà de nos frontières seynoises. Et l'ancien que je suis ne peut s'empêcher de revoir dans ce plaisir tout neuf, l'image de La Seynoisette qui, en son temps, joua un rôle similaire. Là où la jeunesse investit son bonheur de faire et son enthousiasme, l'espoir est toujours prêt à renaître.

    Mais dans cette ambiance de renouveau, les musiciens allaient connaître une nouvelle tristesse.

 

La disparition d'Alex Peiré

    Le 13 octobre 1974, le Président Peiré s'éteignit brutalement.

    Il souffrait de difficultés respiratoires, mais rien de très sérieux ne laissait prévoir une disparition aussi subite que ressentit douloureusement son entourage, ses amis, mais également la population seynoise.

    Quelques heures avant son décès, il participait au trentième anniversaire de la Libération avec ses camarades de la Résistance et le 18 octobre, avait été prévue la célébration du trentième anniversaire de sa participation à l'Assemblée communale, ce dont il se réjouissait fort.

    Ses fonctions d'Adjoint au Maire, sa profession, les responsabilités qu'il assumait à la tête de nombreuses associations locales et autres organisations lui avaient donné une audience considérable dans la population.

    Nous avons déjà évoqué les qualités qui ont fait de lui un bon citoyen et un administrateur avisé. Il fut une personnalité marquante dans les domaines social et culturel.

    Des milliers de nos concitoyens l'ont accompagné à sa dernière demeure dans un cortège immense en tête duquel marchaient les musiciens de La Seynoise conduits par Jean Arèse, le Conseil d'administration et les drapeaux des Associations, crêpés de noir. Une garde d'honneur avait été faite dans la grande salle des Fêtes de l'Hôtel de Ville par les Conseillers municipaux, les anciens de la Résistance, le Maire et les Adjoints portant l'écharpe tricolore. Des centaines de gerbes de fleurs défilèrent en tête du cortège. La circulation fut interrompue sur le port. La Seynoise accompagna son Président aux accents poignants de la Marche funèbre de Chopin.


La Seynoise aux obsèques de son Président, Alex Peiré, octobre 1974

    Quand la tombe se fut refermée sur son cercueil, on eut l'impression d'une rupture pénible dans maintes associations qu'il animait et malgré le vide qu'il laissa, il fallut bientôt admettre que son œuvre devait se continuer, comme il avait, lui-même continué celle de ses prédécesseurs.

    Alex Peiré avait dirigé La Seynoise pendant seulement six années. Mais dans ce laps de temps, il avait su se rendre utile, susciter la confiance et raviver l'espoir. Il avait su très adroitement assurer la liaison entre la Philharmonique et la Municipalité entre lesquelles des rapports courtois s'étaient établis. Il avait eu la joie, avant de disparaître, de vérifier dans les faits l'efficacité de son action.

    Quelques jours après ses obsèques, le Conseil d'Administration se réunit dans le but essentiel de pourvoir à sa succession. La décision fut prise dans la sérénité car depuis quelques années, en dirigeant prévoyant, Alex Peiré avait souhaité qu'un membre du Conseil travaille à ses côtés afin de l'aider dans sa tâche, de le suppléer et de pallier ses défaillances éventuelles. Il savait ainsi qu'en cas de malheur, son successeur pourrait assurer immédiatement la continuité de l'œuvre.

    Ainsi avait agi le Président Pons lorsque, prévoyant sa fin prochaine, il avait fait appel pour le seconder au maître d'école Marius Aillaud. Souvenez-vous : c'était en 1922.

    Tout au long de l'histoire de notre musique, on aura pu constater le souci constant de ses dirigeants de structurer habilement l'appareil de direction afin d'éviter les crises de succession fréquentes dans la vie associative - entre autres

    Vous pourriez répondre que tout de même, la direction de La Seynoise n'était pas une affaire d'État... Remplacer un Président défunt ne donnait pas lieu à d'interminables cabales, a fortiori dans une association en perte de vitesse.

    La grandeur des hommes qui ont permis à notre association de durer malgré tout, c'est d'avoir eu à cœur de traiter les affaires la concernant avec le même sérieux qu'ils auraient eu pour régler une affaire d'État. Conscients qu'il n'y a pas de petites responsabilités et que chacun, à sa place, doit faire de son mieux, ils ont été des modèles civiques que nous ne saurions oublier.

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